De la guerre – qui pourrait bien arriver jusqu’à nous – on ne parle que comme d’une maladie qui se presse à nos portes. « Déclarée » ou non – selon l’expression consacrée – cette maladie se traîne comme un nuage. Et qu’il ait éclaté ailleurs ne l’empêchera peut-être pas de s’étendre. En attendant … il est décrit dans ses grandes largeurs par des « spécialistes », rameutés pour la circonstance. Les hypothèses s’ajoutent les unes aux autres : tactiques, politiques et même psychologiques, comme, selon la vieille règle : « un homme averti en vaut deux !»
Les médias suppléent ainsi au silence d’un Gouvernement et de deux Assemblées qu’occupe la question des retraites. Quoi qu’il s’agisse là d’une affaire relative au traitement du travail, ce mot « retraite » résonne étrangement dans ce contexte de guerre. Cette guerre décidément devrait-elle être perdue, quand une Démocratie comme la nôtre ne semble plus savoir où elle habite ? Quand les pièces de la vieille maison ne sont plus que des espèces de placard (à droite comme à gauche) et que son quasi-Propriétaire tente de s’élever au-dessus de la mêlée, tel qu’un Roi directement branché sur le Ciel.
Ainsi la guerre n’est toujours pas le sujet. Que le Roi dise du bout des lèvres, qu’en tout cas « ce n’est pas l’Amérique qui va nous commander » donne tout de même à penser qu’il y a bien quelque part quelque chose qui, nous « dépasse ». Cela s’est déjà vu. Cela ne fait-il pas qu’épaissir le nuage ? Mais qu’importe ! Ce que le Peuple doit savoir, c’est qu’il reste, « bonnes gens », que le bon Roi veille au grain.
Le grain de la guerre une fois semé, en effet le blé pousse. Il prend la forme inespérée d’une récolte enfin morale : le Bien contre le Mal, la Punition contre la Faute, etc. … Enfin donc le rachat de tant de dettes accumulées fait courir un frisson. N’est-il pas religieux ? Nous allons nous mettre à sauver les autres, ces pauvres autres, nos proches, nous-mêmes …
N’est-ce pas que la guerre a réponse à tout ? Et en premier à la mélancolie, pour ne pas dire à la culpabilité. Qu’elle soit une « affaire » dont les grands mots chassent un instant les grands maux ne l’empêche pas – comme il est écrit – de « servir deux maîtres ». Déjà la fameuse Iliade ne visait-elle pas, à Troie, une autre Belle Hélène que celle qu’aujourd’hui encore on célèbre ?
L’Etain, métal rare à l’époque et qui « rapportait ».
L’Ukraine1, déjà morcelée et corrompue, n’est sans doute que livrée aux chiens qui lui courent après. C’est une proie. Son peuple – ou plus exactement ses peuples – en font les frais. C’est qu’ils sont les pions d’un jeu qui les dépasse. Car cette guerre entre les Etats-Unis et la Russie ne tombe pas du ciel, eût-il le costume serré de Poutine ou la tenue décontractée de Zelenski. Cette guerre répond à des « impératifs » tout aussi connus que le loup blanc : l’enrichissement d’oligarques et d’entreprises qui jouent au développement des Etats et de leurs Peuples … pour y faire de l’argent.
Ou bien cela est su et qu’attend-on pour le dénoncer, preuves à l’appui ? Ou bien continuons de croire aux croisades. Si une démocratie n’identifie pas ses ennemis cachés – voire visibles – elle n’a plus en effet qu’à endormir son peuple ou l’envoyer se faire tuer.
La guerre arrange ceux qui en profitent. Telle est la leçon que j’aurais apprise de la « dernière », celle de 39-45. Il n’est pas jusqu’aux bombes libératrices qui, dans la Normandie où je vivais, n’aient profité à d’autres que … les morts !
Jean-Pierre Bigeault
5 mai 2023