Il fallait bien que l’inceste se vendît au marché des livres.
L’agneau, embroché dans une cheminée qui tire, reste un plat sans façon et qui s’offre au partage. Il se mange chaud ou froid. C’est la vengeance de l’innocence !
Car on est dans une époque qui redécouvre la Nature et se remet à l’aimer. Le sexe, même tordu, c’est comme un arbre : on se réfugie sous son feuillage. Et de tous les côtés, on se tourne vers le Bien qui, comme l’Argent, finit toujours par briller dans les poches des innocents aux mains pleines. Une vérité qui rapporte vaut toujours mieux qu’un mensonge qui coûte. Entre les bons et les méchants, si le compte est bon, les affaires ont la prospérité qu’elles méritent. L’inceste est un produit tout de même plus rare que l’amour. Il faut en profiter avant que, comme le pétrole, il ne retombe dans le puits sec des familles. Quant aux abuseurs de service, ils ont de beaux jours devant eux : leurs victimes les plus malignes en auront fait de ces chevaliers d’industrie dont, une fois repris, les fonds de commerce font encore recette.
C’est que l’inceste, qui ajoute à l’agression sexuelle la violence d’un pouvoir fondé sur la confiance, n’est pas un crime comme les autres. Il enferme les victimes dans une prison dont les portes une fois ouvertes, on risque d’offrir aux visiteurs le même tourisme de complicité qui fait du Mal un objet culturel parmi d’autres. Les pires blessures relèvent de soins certainement plus intimes. Leur réparation fait appel à un autre traitement que la violence dont le crime fut déjà l’instrument ambigu.
Le succès de l’inceste en « littérature » met à jour les contradictions d’une époque qui offre au désir pervers ce qu’elle s’enorgueilli de dénoncer comme des atteintes à la personne.
Mais c’est que la vertu se vend mal !
Jean-Pierre Bigeault,
1er novembre 2021