Notre chemin
Notre chemin
Qu’est-ce que l’Amour ? La Poésie seule peut aider la Pensée à s’approcher d’une réalité qui nous associe à celle du Monde. Car l’Amour n’est pas un acte sorti de la Vie mais la Vie reprenant ses droits jusque sur notre Pensée, en tout cas lorsque celle-ci s’avise à découper la réalité en tranches.
L'Harmattan - Témoignages poétiques - 2025
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Notre chemin
Présentation du 24 mai 2025
Librairie L’Harmattatn
21bis, rue des Ecoles
75005 – Paris
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Toute petite introduction en forme de poème de – et lu par Jean-Pierre
Poésie
du même geste que l’Amour
c’est le corps
non l’esprit sé paré de la chair
mais l’unité perdue retrouvée
de ce qui fait à l’Homme
son bonheur de passer par le monde
en cherchant ce qui pourrait être
fût-ce au-delà de soi
le chemin.
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Marie-Christine prend la parole
C’est donc moi, Marie-Christine, son épouse, et en tant que destinataire de l’ouvrage, que Jean-Pierre a chargé de présenter aujourd’hui son livre. Il a pour titre : « Notre chemin ». C’est une suite de poèmes et de réflexions, non seulement sur l’Amour, mais sur celui que je vis depuis plus de 32 ans, avec mon poète.
Jean-Pierre a intitulé ce livre « Notre chemin » pour dire de l’Amour qu’il est à la fois une « voie » qui permet d’aller d’un lieu à un autre » et, comme le dit encore Le Robert : « la bande de terre assez étroite qui suit les accidents de terrain ».
Le choix de ce nom « chemin » fait aussi allusion aux chemins que nous avons suivis l’un et l’autre, lorsque nous étions enfants, et cela à 27 ans de distance et dans des régions bien différentes, puisqu’il s’agit du Bourbonnais (Nord de l’Auvergne), pour moi, et pour lui, de la Normandie. Montagnes donc d’un côté, et de l’autre, bocage et mer. Sous l’évidence des différences de temps et d’espace, il arrive donc que l’Amour réunisse des affinités moins claires. En ce sens-là, le Chemin traverse des époques et des contrées qui se parlent entre elles dans une langue pourtant commune.
Car ce Chemin est à la fois une voie et un parcours. Ni grand route, ni sentier, il est « tracé dans la terre sous la forme d’une bande assez étroite, à la fois suffisamment déblayée et capable de suivre les accidents de terrain.
A ce titre, le livre dont il est ici question raconte, à sa façon, un chemin où les images, les idées et les sentiments se composent entre eux selon des « points de vue » - ces points qui font par exemple du Chemin de la Hague, tout en haut du Cotentin, une sorte d’observatoire en marche.
Cela donne 6 chapitres qui s’énoncent ainsi :
Dans la vallée
Gravité de l’innocence repêchée
Recueillement des signes
L’amour n’en finit pas de commencer
L’amour contre la culture
Quelqu’un vient
Poèmes, récit, essai, ce livre ressortirait plutôt à ce qu’on appelait autrefois un « mélange ». N’est-ce pas le propre de tout vrai chemin, que de prendre successivement la forme et les traits du paysage qu’il traverse ? Et n’est-ce pas aussi bien le propre du chemin puisqu’à la fois nous le faisons et qu’il nous fait ?
Cependant, « Notre chemin » est aussi clairement marqué par le caractère inévitablement « passager » de son parcours. De par notre différence d’âge, il est confronté plus clairement que tout autre à la séparation de la Mort. Mais cette confrontation pourrait aussi bien être essentielle. Car l’Amour a toujours plus ou moins à faire avec la Mort. Les deux mots latins « amor » et « mors » sont là pour le dire. L’Homme n’a pas attendu le Romantisme pour associer le chant de l’un et le silence de l’autre. « Notre chemin » affronte l’idée de séparation-bifurcation, comme sa réalité. Il ne permet pas de l’escamoter.
Tout cela ensemble met le parcours devant sa limite. Il y a une peur, fût-ce au fond du Bonheur, et, en même temps, comme le dit Sophocle : « une timide espérance ».
Cela fait donc un « chemin » tel que sans doute autrefois, celui, qu’enfants, nous suivions dans la campagne. N’allions-nous pas déjà à la recherche d’une vérité du monde qui se cachait, pour l’une, dans la montagne, et pour l’autre, dans les prairies ? Qu’y avait-il au bout de ces chemins, sinon une vérité de solitude et de partage ?
Un Amour dessine ainsi la Vie comme le Chemin d’une voie dont l’aboutissement nous échappe en ce sens que la Mort ouvre à la fois sur une sorte de Tout et de Rien. Ce « chemin » – parmi d’autres – nous fait. Aimer quelqu’un d’autre que soi, n’est-ce pas déjà faire un saut dans l’inconnu ? Et cela s’apprend. L’idée du « chemin » donne à ce saut le temps d’une durée : écrire un poème n’est-il pas renoncer à soi pour adhérer à un partage avec l’inconnu, et po rtant ce partage tout aussi bien nous agrandit ?
Ce li re s’en tient à l’idée d’une Source perdue au loin dans la montagne, et qu’il s’agit de retrouver. L’Amour est une deuxième naissance. Et que ce soit sous cette forme ou une autre, l’Homme a besoin d’une deuxième naissance.
Comme l’Amour, un livre est un « chemin » qui reste à faire et peut-être même au-delà de ce qu’il aura été, sous une forme imprévisible, tel un poème qui reste toujours à écrire.
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Jean-Pierre reprend la parole
Quoique je ne sache pas très bien si c’est pour compléter ou commenter le texte de mon livre intitulé « Notre chemin », je voudrais vous dire quelques mots sur le fait que l’Amour, comme d’ailleurs la Poésie, passe par le corps. Et cela n’est pas aussi simple qu’il y paraît !
Les mots et les gestes font en effet l’enveloppe matérielle de l’Amour et même bien davantage. S’ils passent les uns et les autres par le corps, ils font pourtant plus que ce qu’on s’applique à réduire en faisant sortir la sexualité du contexte dans lequel elle peut s’inscrire pour soutenir cette véritable création qu’on appelle « l’Amour ».
Autant dire que le « faire l’amour » et « l’aimer », peuvent coïncider. Car sans doute faut-il ici le rappeler – quelque malaise que notre Culture ait développé à ce sujet : quand, pour ainsi dire, « faire l’amour » et « aimer » coïncident, il faut bien dire que la spécificité de l’amour humain participe d’une forme d’ouverture à la Vie sans doute incomparable à aucune autre.
Une telle idée n’a pas grand-chose à voir avec ce que, dans ma jeunesse, on a cru bon d’appeler : « la libération sexuelle ». Interrogée d’ailleurs aujourd’hui au titre des abus commis en son nom, la sexualité semble bien de nouveau poser problème.
En effet, l’espèce de « réduction objective » à laquelle on a soumis la sexualité – y compris d’ailleurs au nom de la Psychanalyse – en en faisant une sorte d’appareil doté d’un fonctionnement propre n’aura sans doute fait trop souvent que brouiller les cartes. Faut-il ajouter que cette « objectivation » s’est elle-même inscrite dans une culture de la consommation qui commence d’ailleurs, comme on dit, à « perdre la boule ».
Or l’Amour du fameux « faire l’amour » en appelle à une créativité pour ainsi dire méta technique : elle passe par une extension du désir physique à un mouvement d’ouverture à l’autre qui lui donne son caractère spécifiquement humain. Encore ne s’agit-il pas là de charité ! Et je pense davantage à ce que le poète Rilke appelait précisément « l’ouvert ». En ce sens « faire l’amour » n’est pas se retirer sur soi, mais passer par-dessus soi pour rejoindre le Monde. Prière du corps, pourrait-on dire, à celui que Steinbeck appelait « un Dieu inconnu ».
S’il est un chemin, l’Amour est donc aussi un voyage. Il s’avance dans une terre exotique et même si étrangère que, par paradoxe, on l ’appelle « intimité ». A ce titre, on pourrait dire que l’Amour – comme on le voit dans le mystérieux tableau de la Joconde – serait comme un pont, un chemin, qui tente de sauter par-dessus la vallée, pour rejoindre le ciel. C’est que l’assez mal vue animalité de l’Homme s’inscrit en effet dans une histoire et une dynamique particulière. Celle-ci tient, chez l’être humain, aux conditions de sa naissance. L’Homme naît en effet plus ou moins prématuré, c’est-à-dire en tout cas « inachevé ». Et cet inachèvement qui justifie son éducation constitue le manque initial sur lequel vont se fonder tant le désir de connaître que celui d’aimer et d’être aimé.
Notre culture judéo-chrétienne n’a-t-elle pas d’ailleurs désigné ce « manque » initial dans l’image et le nom même de « Paradis perdu » ? On pourrait dire de ce point de vue que l’Amour – y compris sous son aspect physique – s’offre à l’Homme comme une religion primordiale. La sexualité servant alors, dans ce contexte, un dieu que les anciens Grecs n’avaient pas peur de nommer (Eros).
De ce point de vue, on peut dire que la sexualité humaine apparaît comme le comblement d’un vide. Elle répond à un besoin de compensation qui, chez l’être humain, touche à son existence même. Mais il n’en reste pas moins que le plaisir sexuel, au plus fort de sa force, conjugue à la fois un certain sentiment de puissance et un autre de dépendance. Le plaisir spécifique appelé autrefois « petite mort » dit bien ce qu’il dit : il y a une perte de soi concomitante à la jouissance, et, par là même, on peut parler d’une certaine ambiguïté de l’Amour. Mais n’est-ce pas celle aussi de la Vie ?
Ces idées que j’ai cru devoir vous communiquer font référence à une théorie connue sous le nom de « néoténie ». Elle nous permet de reconsidérer l’Amour comme d’ailleurs la Connaissance, sous leur aspect réparateur. On est certes loin de la réparation plus ou moins sacrificielle rapportée à une « Faute originelle ». La « Faute » ici n’est qu’un manque, et elle n’est « originelle » que par rapport au déroulé même de toute naissance humaine. De ce point de vue, l’Amour humain n’a pas à plaider coupable. La méfiance dont il fait l’objet dans une idéologie, voire une morale de la séparation du Corps et de l’Esprit ou « Âme », peut être ici dénoncé. Notre monde a mieux à faire : il peut et doit réinventer l’Amour le plus banal comme un chemin vers sa vérité.
Chemin modeste et qui se garde bien de projeter le manque d’où il procède sur une théorie de la « Faute » au sens moral de ce mot. L’Amour n’est pas seulement une récréation, il est une création. Il est une œuvre qui se fait, qui se confronte à la mortalité jusqu’à en accepter la limite. A l’âge où j’aurai écrit ce livre (Notre chemin), la rencontre de l’Amour et de la Mort s’inscrit dans une réalité modeste et pourtant éclairante. On ne peut sans doute, nous les humains, que, non seulement accepter, mais désirer notre destin pour ce qu’il nous offre de capacité à aimer dans l’inappropriation, ce qui nous permet d’ailleurs de substituer au mot « conquête » – si tristement mêlé à l’Amour – le mot modeste de « quête » venu du Moyen-Âge, et qui dit que l’Amour est une recherche.
Je n’ai donc écrit ce livre d’ailleurs assez spontané, que pour dire une vérité simple : l’Amour a pris chez l’Homme la place discrètement religieuse d’une réparation heureuse. Il exonère de l’accusation dont il a fait l’objet dans notre Culture, voire de l’usurpation dont il fait les frais : aimer n’est pas faire la charité. Ce n’est pas un élan de l’esprit mais un déplacement physique de soi vers l’autre par l’effet d’une ouverture qui fait entièrement partie de notre respiration. On peut aimer l’herbe et la montagne, et quelqu’un ou quelqu’une qui, tout à coup, prend sens devant nous comme une partie de nous, voire une partie que nous avons-nous-même failli perdre.
Ce cœur de l’Amour, s’il passe aussi par le corps, appartient à ce que nous appelons la Nature. Il y a sans doute plus d’amour dans la chair – pour parler comme l’Evangile – que dans bien des théologies. Encore faut-il que nous nous aimions assez !
L’idée que le chemin passe ainsi par un « nous », ne saurait réduire l’Amour à quelque schéma que ce soit. Le « nous » se noue parfois hors des sentiers battus, et il y prend une forme singulière. L’Amour peut se cacher dans les sous-bois : le corps s’y met à ressembler aux arbres. En Poésie, l’Amour fait danser les mots.
Notre chemin n’en est qu’un parmi les autres.
Un dernier mot : je n’avais pas prévu d’écrire ce livre, « Notre chemin ». Il s’est fait presque malgré moi et devant moi, l’été dernier, à Granville, tout près de la mer. Il est venu comme revient la mer quand elle descend. L’idée même du livre n’aurait eu aucun sens et cependant, cela venait par petits bouts : c’est seulement à la fin que j’y ai pensé. Ou, si vous préférez, cela s’est passé comme la Vie : à la fin, les évènements prennent sens. C’est au moment où l’on commence à partir et c’est ce qu’on appelle « le bénéfice de l’âge ».
Marie-Christine et Philippe vont maintenant vous lire des bouts de ce chemin.
Bonne route avec eux !
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Chapitre 1 – Dans la vallée
Philippe : p. 13 : « Il y a de ces paysages … »
Chapitre 2 – Gravité de l’innocence repêchée
M. Christine : p. 26 : « Mais toi qui es-tu … »
Philippe : p. 42 : « C’est le moment … »
Chapitre 3 – Recueillement des signes
M. Christine : p. 52 : « Nuit sans lune », puis « Je L’ai vue ce jour-là … »
Chapitre 4 – L’amour n’en finit pas de commencer
Philippe : p. 63 : « Est-ce le fruit de l’arbre … »
M. Christine : p. 66 : « Une fois que l’amour … »
Chapitre 5 – L’Amour contre la Culture
Philippe : p. 75 : « Et la pensée … »
M. Christine : p. 85 : « Printemps … »
Chapitre 6 – Quelqu’un vient
Philippe : p.112 : « C’est notre mort déjà … »
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Jean-Pierre reprend la parole
Comme, à 95 ans passés, je ne suis pas sûr de vous rejoindre physiquement une autre fois, je tiens particulièrement à vous remercier de votre présence, de votre fidélité et de votre attention, sans publier Philippe TANCELIN lui-même, non seulement pour ses conseils toujours avisés mais pour son œuvre et son engagement au service de la Poésie et des personnes.
Ce qui se passe ici, grâce à lui, montre que la Poésie n’appartient pas seulement à la Littérature, comme nous l’avons appris à l’Ecole. Elle concerne la Vie et l’Amour de la Vie et des Humains, dans un monde qui se déshumanise tous les jours sous nos yeux. L’argent et le narcissisme, sans compter les abus de pouvoir dont sont victimes – fût-ce avec la bénédiction d’une certaine culture et d’une société également aveugle – des enfants et des adolescents, donnent la mesure d’une certaine complicité de notre monde avec le Mal.
Pour avoir dirigé moi-même pendant trente ans des institutions psychopédagogiques plus ou moins médicalisées, avec des équipes de 10 à 100 personnes, je m’étonnerais que des crimes comme ceux de Bétharam ne soient pas plus rapidement dénoncés, si je ne savais que la violence des adultes vis-à-vis des plus jeunes est l’objet d’un déni quasi culturel.
Et disant cela, je pense tout aussi bien aux abus de l’autorité qu’à ses défauts. Il y a là un sujet qui, hors les scandales, ne fait pas la « une » des journaux. On s’accommode d’une école qui, tantôt, méconnaît sa fonction éducative, tantôt la traîne dans la boue. La complicité objective de la société soutient cette situation. Notre culture « embourgeoisée » n’attend de l’Ecole que des « résultats » – au sens le plus étroit de ce mot – fût-ce, comme on vient de le voir, à Bétharam, cette école privée religieuse ayant pignon sur rue, au prix d’une violence parfaitement connue.
Or, on peut éduquer autrement ! L’autorité, quoi qu’on en pense, ne repose pas sur la force, si elle veut être éducative. Pas plus que la Poésie n’obéit à un « laisser-faire ». Je tenais à vous proposer ce lien. J’ai passé moi-même vingt ans de ma vie à soigner des adolescents dits difficiles dans un internat psychopédagogique, puis j’ai dirigé avec une centaine de collaborateurs un ensemble d’institutions spécialisées : hôpitaux de jour et consultations toujours destinés à des jeunes malades, voire très malades. Dix années sans aucun abus ! Cela n'est possible que si l’on conçoit l’éducation comme un soin. Comme la Poésie, le Soin ne repose pas sur la force, il en appelle au respect, voire à une forme d’affection vis-à-vis de ce que, chez les enfants et les adolescents que d’ailleurs nous continuons d’être nous-mêmes, relève d’une certaine forme de sacré.
Les faits que je viens d’évoquer s’inscrivent dans une dérive qui est une attaque contre l’Amour. Et cette attaque ne tombe pas du ciel, ou plutôt elle en tombe, quand l’abus de pouvoir et la haine du corps se parent d’une autorité qui s’attaque à l’Homme au nom d’un simulacre d’amour.
L’amour des bonimenteurs de service déshonore les prétendus héritiers d’un certain Sauveur.
Notre chemin, vous l’avez compris ne se fraye pas un passage dans ces marécages supposés spirituels.
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Présentation par Jean-Pierre BIGEAULT, dans les locaux des éditions l'Harmattan, le 24 mai 2025 à Paris.
Intervenants lectures : Marie-Christine DAVID-BIGEAULT et Philippe TANCELIN
Captation : Benoît MARECHAL - Montage : Dominique MORLOTTI
Maria CALLAS
Le Destin de Maria Callas – justement célébrée aujourd’hui par le beau film de Pablo Larrain – est, à bien des égards, exemplaire. Il éclaire en particulier la réalité de ce que nous appelons, dans notre culture, une « Diva » (la Divine). Il montre tant soit peu les limites d’une « carrière », voire d’un succès aussi manifeste, quand il a « fait son temps » et que la vedette n’est plus qu’une femme comme les autres.
Pour avoir suivi d’assez près – et par l’intermédiaire d’une amie qui la connaissait – les dernières années de la vie de Maria Callas, il me semble que son destin jette sur la réalité du rapport à l’Art dans notre culture, une lumière significative.
Ce qui frappe d’emblée dans ce rapport, c’est en effet que la personne par laquelle arrive le « miracle », se trouve projetée hors de sa réalité bel et bien humaine par tant d’admirateurs « distingués ». La personne réelle disparaît à ce point, quand se termine sa carrière, que, hors des disques qui en transmettent la voix, déjà, elle n’est plus qu’une ombre. Ce phénomène banal met en cause une culture qui se revendique d’un certain « humanisme », alors même qu’elle ne conduit qu’à une forme de déshumanisation au nom même de l’Art et qui n’est en vérité qu’un esthétisme parmi d’autres.
Ce « crime » ordinaire ne choque personne puisque l’artiste est payé selon la règle commerciale et alors même que ce qu’il offre n’est pourtant pas un produit comme les autres. Mais enfin, la voix de la cantatrice, comme l’œil du peintre, ne sont-ils pas les instruments d’une « production » tout aussi commercialisable que toutes les autres ? L’investissement personnel de la cantatrice – voire ce qu’il s’y joue de dramatiquement vécu – se doit de ne plus être qu’une performance, comme dans le Sport ou même tout simplement la Vie. Ce qui intéresse les amateurs n’est pas ce que dit la voix par-delà même le chant, mais le sommet impersonnel où elle conduit, la cantatrice n’en étant, comme n’importe quel alpiniste de talent, qu’une image plus ou moins consolante du « dépassement de soi ».
Cependant, le « soi » des admirateurs n’est-il pas celui d’une assemblée religieuse qui se repaît déjà du sacrifice de son dieu ? Un sadisme inconscient de « l’amateur d’art » n’alimente-t-il pas la passion de l’esthète ?
Telle est ma question ! Elle me porte à interroger la place de la vedette à tous les niveaux d’une société dont la laïcité ne fait que déplacer l’aspiration religieuse et l’illusion du pouvoir qu’elle confère à ses disciples, pour mieux dissimuler ce pouvoir dont cette aspiration use et abuse.
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Il fallait que Maria Callas meure comme elle était déjà morte, oubliée de ceux qui l’avaient aimée pour sa voix et bientôt sa légende, et non pour elle. Les artistes sont le « petit personnel » endimanché de ceux qui les achètent pour s’en faire des bijoux culturels. C’est dire si l’Opéra est un marché autant qu’une bijouterie de luxe ! L’idée d’un Opéra pour le Peuple telle que celle de François Mitterrand – socialiste devant l’éternel fantôme de la Gauche – est celle d’un marché comme les autres.
Maria Callas y est morte de ses succès comme des vautours distingués qui l’ont applaudie. Une fois sa voix perdue, elle ne fut plus qu’un fantôme.
Une civilisation a vite fait – comme l’Eglise – de béatifier celles et ceux qu’elle abandonne à la vie comme à un malheur édifiant.
Maria Callas souffrait d’un abandon qu’elle tentait de combler par le faux amour d’une clientèle de la Beauté. Piège de l’Art ! Une bourgeoisie plus ou moins distinguée dévore ainsi ceux qui la servent et c’est un honneur qu’elle leur fait !
Un faux et richissime « Pâtre Grec » fit de Maria l’objet sinon la Chose qu’elle avait été et qu’elle était toujours.
Une fois le dernier rideau tombé, reste une « petite fille » perdue dans sa propre perte.
L’indignité de ce qu’on appelle bruyamment la « Culture » ferait honte à un paysan du Danube. Mais pas à une Elite républicaine …
Maria Callas n’a pas rencontré son ange. Ses fameux admirateurs ont « couché » avec sa voix, et cet érotisme luxueux les a décorés au nom de l’Art. Et Elle ? Pour finir, elle sera redevenue la « petite fille » d’un mauvais conte. C’était – dira-t-on – son destin, comme de tant de vedettes encensées et bientôt mortes.
Telle est la comédie humaine : le retournement de la « haine de l’autre » en idéalisation meurtrière. L’Art, comme la Religion, comme la Consommation, sert ce Dieu-là, ce « Soi » dévorateur, cette chose avide qui ne se nourrit que de choses « pourvu qu’on ait l’ivresse » !
Maria elle-même aura cédé à l’illusion de son remplacement par sa voix, fétiche réparateur de sa déchéance originelle.
Ainsi va le monde … jusqu’à la Guerre. Jusqu’à l’autodestruction de soi à travers celle de l’autre. En tant qu’espèce dite « supérieure », l’Être humain pose question. Son « génie » malfaisant le poursuit tel qu’un Diable séducteur bourré d’idées et qui, à défaut d’exploiter son semblable, ne s’en prend à rien moins qu’au Monde sous l’aspect de ce qu’on appelle la Nature.
Et cette méchanceté foncière s’habille en Progrès et Culture. Elle est entretenue à grands frais dans des écoles … quand la vie s’ordonne déjà en massacre.
Le double massacre de Maria Callas par ceux qui prétendent l’aimer est une longue évidence de crimes tout à fait ordinaires. Prise elle-même au piège de la réassurance par le succès, elle a doublement payé la faute d’une culture déshumanisée ou simplement « trop humaine ». Elle a rebu le poison à sa source. Son historie dramatique est la nôtre.
Quelle Révolution peut-elle venir à bout de nos châteaux de sable ?
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Tant de « Vedettes » – d’abord couronnées par une Elite plus ou moins dorée sur tranche – disent la médiocrité de ceux qui les achètent. N’en-a-t-il pas été ainsi de cette pauvre Maryline Monroe ?
Le sadisme des chefs – qu’ils soient de Droite ou de Gauche – s’exerce sur des proies dont la misère vient de loin. Car n’est-ce pas, sous la gloire éphémère de ces reines d’occasion, le malheur des faibles qui attire les prédateurs ? Ainsi, le désir sexuel en cache-t-il un autre plus clairement agressif : l’humiliation de la Proie redevenue ce que son destin la condamne à être pour le bénéfice des Puissants.
Les « frasques » des « Grands de ce Monde » révèlent la vraie nature du Pouvoir auquel ils aspirent. Quelque « généreuses » que soient officiellement leurs idées, leur goût pour la puissance – fût-elle médiocre – a tôt fait de les révéler. En Amour, c’est ainsi leur infantilisme qui tient le haut du pavé.
On peut donc opposer tant qu’on voudra la Démocratie à la Dictature, voire l’Humanisme au Fascisme, l’exploitation de l’Homme par l’Homme – fût-ce au prétexte de l’Amour – reste le vrai « péché originel ». L’espèce humaine doit sans cesse être démasquée pour ce qu’elle voue de haine à sa Conscience – fût-elle déguisée en femme – comme le fit par exemple Hitler en procédant à l’élimination des prétendus « sous-hommes ».
Si l’ennemi est dans la place, n’est-ce pas l’humanité de l’Homme qui, en effet, pose problème – et depuis toujours, à l’Homme ? Sa fameuse « Faute originelle » est là. Elle provient de la marge de liberté que lui offre sa possibilité de prendre sa distance avec le Monde. Et non – comme l’auront dit tant de faux prophètes – la désobéissance d’un enfant à son Maître.
L’Homme s’est assez défaussé en Occident lorsqu’il s’est accusé d’un péché qui le condamnerait à son Destin. Comme le Soleil, il s’est couché au pied de son maître. Une religion de la Culpabilité a tenté de faire de cette idée un empire.
Le « sacrifice humain « des artistes se manifeste plus vulgairement encore dans le traitement que les maîtres de ce Monde réservent aux Vedettes. Maryline Monroe fut ainsi achetée et consommée par le Président des Etats-Unis, cet enfant devenu Roi. Or, ce scandale a beaucoup plu. Il a même été porté au crédit d’une victime, voire de son présumé protecteur. Le triomphe de la force sur le malheur d’une fille abandonnée et couronnée a beaucoup plu ! Quant au malheur de cette idole ; l’idée qu’il s’effaçait ainsi dans le « succès » l’a emporté sur celle d’une exploitation indigne. La barbarie de la Cuture n’est-elle pas pardonnée et la preuve par le Nazisme n’aura pas même suffi à éveiller les consciences. Car c’est au fond que le Pouvoir fascine, tout autant d’ailleurs que l’esclavage amélioré de la condition des Vedettes. Le monde humain se fonde sur la haine de sa propre insuffisance et la fascination pour la suffisance de ses chefs.
Une religion, même fondée sur le malheur d’un Juif errant, s’est placée au sommet d’un système pour s’octroyer le pouvoir d’une institution dominatrice. Jésus, Vedette métaphysique, aura été vendu au bon Peuple, comme un artiste de la Spiritualité. Ce qui n’a pas empêché son Culte de couvrir les basses opérations d’un vedettariat comme les autres. Que reste-t-il à Rome en effet, et ailleurs, de la simplicité d’une vie vouée au service des autres ? Le meilleur moyen de dénier le malheur attendu de la crucifixion n’est-il pas d’en faire une apothéose ? Et c’est ainsi qu’une Religion aura fait trop longtemps de la misère des humbles le juste prix de leur histoire. Vedettes morales, leur condition les prédestinait au Salut comme le malheur au beau destin des artistes.
Voilà le Monde humain jusque dans ses rêves !
Ainsi, la solitude et l’abandon final de Maria Callas font-ils partie d’un jeu sacrificiel sur lequel se fonde une société attachée à son Elite comme le Corps à l’Esprit. La Vedette, une fois sa tâche accomplie, n’a plus qu’à disparaître. Elle a quitté les Hommes depuis longtemps. Incarnant quelque Ideal, elle n’a plus qu’à s’effacer et cet abandon final la consacre.
C’est dire si les idéaux de notre Humanité doivent payer le prix du rêve dont ils sont faits. Mais n’est-ce pas le destin des Poupées dans les jeux des enfants ? N’est-ce pas l’immaturité des chevaliers de la course à la Beauté, qui nous vaut successivement l’exaltation et l’indifférence de ces élégants consommateurs ?
Il s’agirait donc de débarrasser l’Art de l’illusion humainement coûteuse qu’il soutient pour le rendre à la réalité de ceux qui, pour se sauver eux-mêmes, tentent d’y trouver une certaine forme de dépassement.
Dans un Monde clairement confronté à ses contradictions, voire à son insatisfaction profonde, la place de l’Art mériterait d’être si peu que ce soit, rattachée à la réalité de ceux qui le « font ». Leurs exploits sont à la mesure de leur vraie vie, et ce ne sont pas les cachets qui paient la dette d’une société à leur égard.
La fabrication des Vedettes et le culte qui en résulte ne contribuent qu’à banaliser le rôle de la Beauté en y sacrifiant les artistes, en supposant qu’ils n’y perdent pas d’eux-mêmes leur âme.
Dans cette affaire, la religion laïcisée des « élus » se taille la place des concours et le monde humain s’y referme comme un opération scolaire ordinaire.
Maria Callas valait mieux que ce que ses admirateurs en ont fait. Qu’elle se soit perdue elle-même avec sa voix dans sa propre échappée dit aussi bien l’enfermement dans la solitude qui l’aura si longtemps condamnée … fût-ce au succès.
Les destins sont nos maîtres. On peut apprendre à travers eux ce que les succès les mieux fondés nous font savoir de ceux-là mêmes qui y trouvent quelque secours.
Il arrive que le malheur des hommes se retourne en beauté. Une Culture digne de son idéal devrait traverser l’écran de cet idéal jusqu’à aimer celles et ceux qu’on achète pour avoir la paix.
Ainsi, au-delà de Maria Callas comme de toute religion, le retour à l’humanité au sens le plus noble de ce mot devrait-il s’opérer, ne fût-ce qu’au niveau de l’Art et de ceux qui y recherchent un chemin de vérité.
Les Vedettes, comme les Héros, doivent être détrônées de notre admiration aussi infantile qu’ambiguë. Le rapport religieux à l’Homme – fût-il divinisé – ne sert pas la cause qu’il défend.
Au prétexte de l’Art un esthétisme sert Dieu qui, pour laïc qu’il soit, n’en reste pas moins l’objet infantile d’un désir ambigu. C’est en effet la « puissance » (voire la « toute-puissance ») imaginaire des vedettes qui, trop souvent, flatte le public. Le déplacement des œuvres sur les artistes qui les interprètent trahit déjà ce que l’œuvre elle-même aura représenté pour son créateur, fût-ce en tant que « dépassement de soi ». Or, si précisément une œuvre peut servir l’Humanité, ce n’est pas au nom d’un dieu ni même de l’auteur qui l’a créée pour s’y dépasser lui-même au profit d’un symbole plus fondamental que l’appropriation culturelle, voire sociale, qu’on en fait.
L’Art nous montre une autre voie. Il nous appelle ailleurs comme le font déjà les artistes qui « se perdent » dans ce qu’ils font. C’est sans doute cet abandon serein à la Beauté qui, en nous remettant à notre place, aussi bien nous agrandit.
12 février 2025
A quand la fin du spectacle ?
Faut-il rire ou pleurer … devant la réalité du monde ? On massacre ici et là. Au pays de Douce France, on noie le poisson dans l’eau propre de la Seine, devenue Scène pour un théâtre.
On reprend le fil politique dans le sens de la dissolution des idées et le jeu des rivalités tout aussi naïves que destructrices. Le Bateau coule mais on fait jouer l’orchestre selon les rites. Alors même qu’un gouvernement d’Union nationale devrait s’imposer, on continue de jouer au plus malin, voire au plus patient. Qu’importe si le Bateau coule vraiment ! On veut oublier que « les passions » détournent l’Homme de la Réalité. Tout le monde est propre sur soi : sauf le Peuple qui vote pour l’Extrême droite, et qui donc n’existe pas. On a enfin trouvé la faute : ces gens qui ne comprennent rien à rien ! Sans vraiment se demander pourquoi – et après tant d’avertissements aimables – on en est arrivé là. Une pensée de l’Elite ou supposée telle – qu’elle soit de droite ou de gauche – recouvre le trou du cratère républicain de son voile. Circulez, il n’y a rien à voir !
Certes, le Jeux Olympiques et politiciens n’ont fait que cacher la Dette pour ne pas dire la Faute. Est-ce le Peuple des pauvres et des appauvris, et des « sans voix » (puisque c’est ainsi qu’on les aime) qui a creusé le trou ? Et est-ce que ce n’est pas la Guerre intérieure dont les responsables politiques ont fait – de par leur simple médiocrité, leur narcissisme, leurs certitudes bel et bien discutables – le lit pervers ?
Ces faux-prophètes ont perdu leur crédit et il n’est pas jusqu’à la soudaine « Union des gauches » qui, au prétexte d’effacer le Rassemblement national, n’ait atteint ce point fantomatique qui ne trompe que ceux qui veulent l’être.
Bref ! Va-t-on continuer longtemps de jouer aux plus malins devant le trou du porte-monnaie collectif, sans oublier celui de la Pensée, quand elle s’accroche à d’improbables miracles ?
La « montée des périls » ne tombe pas du ciel. C’est la maladie que nous ont faite tant d’apprentis sorciers : à quand des justes et modestes médecins d’un pays malade ?
Jean-Pierre Bigeault,
26 août 2024
Le temps qu’il fait
La chose ou la vie - Chroniques
« Le temps qu’il fait » est une chronique. Au-delà des évènements qui marquent notre époque, le débat qui tourne à la violence concerne les valeurs, et précisément celles de la République. Une crise est ouverte. Dans un monde voué à la Chose, quelle devient la place de la personne ? Quelle vérité de l’Humain peut nous guider, dans cette réappropriation de nous-même ? Comme au temps d’une guerre oubliée, la Poésie peut inspirer et soutenir les combats de la pensée du « temps qu’il fait ».
L'Harmattan - Témoignages poétiques - 2024
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Mon dernier livre intitulé « Le temps qu’il fait » répond à une préoccupation ancestrale. Les paysans de ma propre famille connaissaient fort bien cette expression, et pour cause !
S’agissant plus précisément de notre vie actuelle, on peut dire qu’un brouillard épais – qui se fait passer pour de la lumière – bouscule notre climat et brouille déjà notre horizon … en attendant mieux !
J’ai donc décidé de dire ce que je pense de tout cela au risque de déplaire.
Mes impressions, tentatives d’analyse et propositions sont certainement discutables. Mais l’état des lieux reste la clef d’une situation répétitive, pour ne pas dire bloquée, et qui affecte la vie de chacun.
En toutes ces tribulations, ce qui me frappe c’est l’affaissement de l’idée de République. A force de se laisser prendre pour une sorte d’Eglise bel et bien théorique, l’institution démocratique se perd dans ses médiocres « calculs » (en particulier d’égos), pour ne pas dire dans sa perversion. Je pense, sur un tel sujet, que ce qui se passe avec ce qu’on ose encore appeler « l’Education nationale » en dit plus long que tous les discours. On se moque en vérité de l’éducation. On est partis de l’idée générale et positive de « l’école pour tous » sans vouloir penser que l’Ecole ne répond plus seulement à ce qu’on a appelé, autrefois, « l’Instruction publique ». Elle doit lutter aujourd’hui, non seulement contre l’inégalité des chances, mais l’égoïsme, le narcissisme et le culte de l’argent ; C’est l’urgence d’un pays développé et … républicain !
Or, au nom de la liberté et des Droits de l’Homme (d’à côté, voire d’ailleurs) on a sacrifié l’égalité et la fraternité à l’instruction globalement médiocre, ou d’ailleurs exceptionnellement « poussée » … pour les meilleurs, tels les athlètes, d’une population divisée et ambigüe vis-à-vis d’une classe dirigeante qui la méprise.
Ironie de l’Histoire, le prix à payer de cet échec est dans toutes les bouches. Il porte le nom magique de « retour à l’autorité ». Or, quand une culture comme la nôtre ne sait même plus ce que veut dire le mot « éduquer » - ni même bien sûr de quoi l’autorité est faite – autant en revenir à un gri-gri du désert le plus profond. Le modèle faussement militaire de l’Ecole est dépassé mais l’Ecole fabrique des « soldats perdus » pour la République. Car la République doit être réinventée. Qu’on s’intéresse plutôt à l’éducation comme à une science intelligente et à un art sensible et néanmoins nécessaire.
Mais l’Ecole n’est qu’un aspect, et d’ailleurs aussi bien un symptôme tout autant que la cause de notre déficit républicain. Lequel, s’il se concrétise dans l’extension du domaine de « l’assistanat » n’en traduit pas moins une misère morale dont la violence n’est que l’une des expressions. Quand un Président ose évoquer à ce sujet un phénomène de « dé civilisation », que ne voit-il ce qui va mal – vraiment mal – et avec les bonnes lunettes d’un observateur averti !
Mon livre va donc déplaire, et à vrai dire, comment y échapper dans ce monde fait de promesses et d’illusions finalement fort coûteuses ?
Dans cet essai, j’ai donc cru devoir dire que s’il y a un phénomène de désarroi social (Gilets jaunes et compagnie …), il vient malheureusement de ceux qui l’ont largement justifié.
La manière même dont – à l’occasion du fameux Covid – nous avons laissé traiter les morts – avec la bénédiction des « responsables » – en dit long ! Que, par souci d’efficacité hospitalière on en soit ainsi arrivé à faire disparaître des cadavres pour soi-disant éviter les contaminations et surtout faire de la place, nous montre ce à quoi conduisent les seules valeurs d’efficacité dans un monde plus matérialiste que celui-même de nos ancêtres les plus lointains.
Le matérialisme supposé bienveillant d’un Etat-machine compromet la République. C’est « Le temps qu’il fait ». Les instances dites spirituelles n’ont-elles pas participé elles-mêmes à cet effondrement moral ?
Mais « Le temps qu’il fait », c’est aussi celui du monde, comme tout autant celui de la personne, cet « individu » aujourd’hui fabriqué par une technocratie déshumanisée.
« Le temps qu’il fait », c’est aussi l’enchaînement des circonstances (toujours plus complexes qu’on ne veut bien le dire). Il permet enfin de projeter le Mal « hors de chez soi ». La Guerre s’avance masquée. Ce qu’elle occulte doit aussi être dénoncé. Car elle sert plusieurs causes à la fois. Et elle fait office de cache-misère, fût-ce même au nom des valeurs qu’elle est censée défendre. A cet égard aussi, la République passe par la liberté de parole. Nulle guerre n’est assez « juste » pour imposer d’emblée son discours à un peuple dont le sacrifice serait, par définition, le prix de son salut.
Exploration, analyse, proposition, « Le temps qu’il fait » dans notre République mérite d’urgence un juste combat. Plutôt que de donner des leçons aux autres, sans doute est-il urgent de balayer devant notre porte. Même la Psychanalyse dont j’ai tenté récemment de dire ma vision de poète ne saurait échapper à cette révolution. Qui ne bouge plus s’ankylose et meurt.
Il est donc temps que « Le temps qu’il fait » en appelle à de nouveaux et justes efforts. Il est temps que le respect de la personne – comme cela fut d’ailleurs dit après la dernière Guerre – l’emporte sur le « règne des CHOSES », à quoi, non seulement l’Economie, mais la Pensée dominante réduit les hommes du haut en bas de l’échelle sociale.
Enfin, hors des marchés en tout genres, la Poésie – au sens le plus large du mot – pourrait trouver sa place hors des rivalités comme le souffle de l’enfant qui naît, quand la Chose s’efface au bénéfice de la Personne.
24 juillet 2024
Ma vie de psychanalyste – De l’alliance au soin
La présentation du livre « Ma vie de psychanalyste – De l’alliance au soin » a donné lieu le 3 février dernier à une rencontre entre l’auteur et quelques dizaines de ses lecteurs. Cela s’est fait chez l’éditeur L’Harmattan (21bis rue des Ecoles- Paris 5ème). Le poète et philosophe Philippe Tancelin et Marie-Christine David auront fait suivre l’exposé de Jean-Pierre Bigeault de lectures du texte, l’ouverture de ce choix revenant à Philippe Tancelin, lui-même lisant le poème qu’il avait écrit précisément pour clore et même ouvrir « Ma vie de psychanalyste … »
L’interpénétration de la Poésie et de la Psychanalyse aura ainsi été posée comme fondamentale, rejoignant ainsi la pensée de Freud.
Captation Benoît Maréchal, Montage Dominique Morlotti
La psychanalyse est ce qu’en font les psychanalystes sur le terrain de la cure et de la psychothérapie comme dans leur vie. Entre la théorie et la pratique, s’ouvre le champ de la créativité d’un couple patient-psychanalyste, tel que le construit – en vue du soin – ce qu’il est convenu d’appeler « l’alliance thérapeutique ».
À la fin d’une vie d’éducateur puis de psychanalyste, Jean-Pierre Bigeault soutient que l’amour est au cœur du lien psychanalytique, l’« attention bienveillante » n’en étant que la partie visible. S’agissant « d’aide », la science ne tire profit de la distance que par l’engagement qu’elle appelle.
Jean-Pierre Bigeault
Préface de Françoise Gorog
Editions L’Harmattan, Novembre 2023 – Collection : Psychanalyse et civilisations
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