Pour faire suite à la décision du Ministre de l’Education nationale
La Marseillaise revient à l’Ecole avec son « sang impur » dont il faut « abreuver nos sillons ». L’hymne national, cette potion magique, qui communique à nos foot-ballers l’énergie de la victoire, n’y va pas par quatre chemins : c’est en raison de son « impureté » que l’ennemi doit être saigné comme un cochon. Cette radicalisation mise en musique pourrait-elle être interrogée ? Est-il nécessaire de justifier la nécessité de nous défendre par la disqualification ontologique de l’adversaire ? Restons-nous à ce point coupables de tuer celui qui nous attaque qu’il nous faille l’accuser de ne pas être un homme comme nous-mêmes ? Ces questions mériteraient d’être posées, alors précisément que notre impureté d’occidentaux plus ou moins chrétiens sert de prétexte aux assassinats que l’on sait. Quelle « instruction civique », et même quel patriotisme peuvent-ils aujourd’hui continuer de se référer à un texte qui fait fi des évolutions de notre pensée sur l’homme ?
S’il est impossible aux yeux de certains de réécrire notre hymne national, comment nos professeurs des écoles pourront-ils assumer tranquillement que les mots trahissent à ce point les valeurs que nous défendons – celles-là même que nous opposons à ceux qui nous assassinent au prétexte que nous sommes « impurs » ?
Ou faut-il penser que nos valeurs ne sont que des voeux pieux et que « la montée des périls » justifie le mot célèbre : « au feu le vernis craque ! ».
Qu’il faille s’occuper de transformer des enfants en citoyens capables, une fois qu’ils seront adultes, de défendre la République inviterait davantage à repenser l’Ecole comme un lieu où les élèves apprendraient non seulement à « vivre ensemble » mais à prendre et soutenir des responsabilités dignes de ce nom ; et cela bien sûr sans attendre qu’un vague service civique n’en rattrape, on ne sait trop comment, la criante insuffisance !
Jean-Pierre Bigeault,
Juillet 2018